L'attelage Pédagogique

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Sécurité : peut-on atteler sans rigueur ?

Au cours de vos lectures ou formations en attelage, vous rencontrerez un sujet récurrent : la sécurité. Mais pourquoi parle-t-on autant de dangers et de précautions à prendre dans cette discipline, par rapport à l’équitation ?

L’attelage est à la mode. Une idée reçue, mais fausse, fait de l’attelage une pratique équestre peu contraignante, à la portée de tous. La promotion faite autour de la discipline parle d’une pratique de loisir qui permet de goûter aux joies de la nature en famille ou entre amis. Dans l’imaginaire collectif, le cheval connait naturellement l’attelage comme si c’était inné chez lui. Tout le monde veut essayer, recycler son poney devenu trop petit…
Dresser un cheval à l’attelage et être meneur ne peut s’inventer ni s’improviser.
Même si on est déjà bon cavalier, les reflexes à acquérir ne sont pas les mêmes, et conduire un attelage ne ressemble en rien à conduire un cheval sur lequel on est assis. Au premier virage, les choses se compliquent, le cheval ne tourne pas ou mal, la voiture touche ou heurte les obstacles sur les côtés, s’y retrouvant même parfois coincée. Lorsqu’un cheval s’emballe, le cavalier a le reflexe de tourner pour réduire la vitesse. En attelage, la voiture se retournera avec la force centrifuge. Et si encore le cavalier souhaite récompenser son cheval avec des guides longues, comme il fait avec ses rênes, celles-ci risquent de s’accrocher dans une partie du harnais ou de la voiture (souvent le bout du brancard), privant ainsi l’apprenti meneur du seul contact qu’il a avec l’animal.

La sécurité c’est cher !

S’il est possible de monter à cheval avec une selle de petite facture, ou même sans selle, il est impossible d’atteler sans harnais et sans voiture. On trouve du matériel à tous les prix, mais même neuf, la sécurité n’est pas toujours garantie !
Les soudures des voitures mal conçues cèdent après une dizaine d’utilisation, se pliant en deux à la jonction brancards-caisse, ou encore perdant carrément le siège sur lequel sont assis le meneur et son coéquipier. Le cuir des traits, quand il est de mauvaise qualité, casse comme de la laine au bout de quelques tractions. Tout cela arrive bien sur pendant que l’on mène, surprenant bien souvent l’équidé autant que le meneur, avec les conséquences que l’on peut facilement imaginer : peur, écart, affolement, panique, incidents, accidents…

Le réglage et d’adéquation sont indispensables !

Dans une voiture trop petite, il tapera les jarrets contre le palonnier ou la caisse ; dans une trop large, les brancards tireront les bracelets à 10cm de chaque côté de la sellette ; dans une voiture trop grande et trop lourde, l’effort demandé sera inadapté, qui plus est quand elle sera pleine ! On ne peut acheter la première voiture d’occasion en se disant qu’elle ira bien. Ce n’est pas ça l’attelage.
Le mauvais réglage du harnais perturbera la locomotion du cheval, créant des blessures ou des défenses, épuisant inutilement l’équidé : harnais trop petits, trop serrés, trop hauts, d’autres trop grands, trop lâches, et trop bas, et encore ceux qui ne sont pas réglés correctement parce qu’il n’y a plus de trou, des mors tellement étroits qu’ils compriment l’os de la mâchoire supérieure en basculant, des sellettes mal placées dont le crochet de croupière appuie fortement sur les vertèbres dorsales…
Un tas d’éléments peut rendre le travail du cheval désagréable.

Le meneur est un homme d’entretien

Il est probable que la formation des cavaliers manque actuellement de rigueur à ce niveau là. Le meneur est responsable de l’ensemble de l’équipage : cheval, harnais, voiture. L’entretien de l’ensemble participe à sa sécurité : il sait que des harnais mal rangés se déforment et se fragilisent, que l’état général d’une voiture mal remisée se détériore quand les brancards ne sont pas déformés par un appui mal équilibré, que le cheval, pour maintenir une bonne condition, a besoin d’être travaillé et qu’insuffisamment dressé, il sera incapable de réagir correctement à la moindre situation difficile.
Le meneur n’utilise pas tel quel le matériel laissé par terre dans la sellerie, un cheval blessé par une voiture non adaptée, et non modifiée pour la nouvelle séance. Le meneur vérifie un ensemble de détails qui peut paraitre dérisoire mais qui lui permet, par exemple, de ne pas voir son train-avant coincé par les palonniers d’une paire alors qu’il attèle en simple, de constater que le frein ne fonctionne pas, qu’une couture du harnais aurait besoin d’une réparation, et pas au moment de partir.

Des règles de sécurité élémentaires

En cas de souci, le meneur ne peut à la fois s’occuper du cheval et de la voiture. En ville, un meneur seul n’a souvent aucune visibilité aux intersections. Pour ces raisons et d’autres encore, l’attelage ne se pratique pas seul, le meneur est toujours accompagné d’un coéquipier.
En cas de problème, la voiture doit pouvoir être désolidarisée le plus rapidement possible du cheval. Pour ce faire, il existe des systèmes très performants : les porte-brancards de sécurité, les mousquetons de sécurité à l’attache des traits ou des chainettes de timon… Il est impensable de voir encore, avec les moyens actuels, des personnes bidouiller des nœuds avec des ficelles pour faire tenir les traits au palonnier, voire même des nœuds avec des chaines métalliques… (Cas réel).
Pour des raisons de sécurité évidente, l’attelage se pratique avec un mors, souvent à gourmette. On l’utilise correctement et sans brutalité, mais si on a besoin de s’arrêter rapidement, il est là. Il ne viendrait à l’idée de personne de conduire une voiture sans direction précise et sans frein ! Si le cavalier peut monter en licol ou en filet sans mors, il compense avec ses jambes et son assiette pour se faire comprendre. L’attelage en licol est un acte inconscient et dangereux, que ce soit avec un cheval ou un shetland. Ce poney que l’on croit, à tord, facilement manipulable du fait de sa petite taille, a une force supérieure à celle de l’homme et peut embarquer n’importe quelle voiture en cas d’affolement.
Un attelage peut être dangereux pour le cheval, le meneur et son coéquipier, mais également pour les personnes extérieures. Respecter la sécurité c’est aussi respecter les autres, repasser au pas en croisant d’autres chevaux qui ne sont pas forcément désensibilisés à la vue et au bruit de la voiture, respecter le code de la route en circulation routière, respecter les règles de civisme…

Les apprentis- meneurs ou apprentis sorciers ?

Les amateurs doivent acquérir un comportement responsable, et se donner les moyens d’apprendre correctement l’attelage. La prudence est importante, la remise en question non exclue, la recherche d’informations doit être constante sur les avancées techniques et technologiques et leur gain en sécurité, donc en confort.
Un minimum de connaissances théoriques est indispensable : Atteler, ce n’est pas seulement mener. Que dire d’amateurs, qui, ne sachant dételer, ont laissé à l’étape, toute la nuit, le cheval dans ses brancards ? Que dire d’amateurs qui attachent ensemble le harnais de droite et de gauche d’une paire ? Savoir garnir et atteler ne s’invente pas, il faut accepter de faire de la théorie, même si l’on possède des connaissances très pointues dans d’autres domaines du monde équestre. Le meneur doit savoir se servir de tout le matériel, et mener autrement qu’avec quelques notions rudimentaires.
Les amateurs savent-ils tous, par exemple, qu’avec un peu de vitesse, des roues à pneumatiques font rebondir la voiture, que ce roulis peut avoir très vite un effet d'inquiétude, voire de peur chez le cheval, en plus de risquer de se retourner avec le risque de blessure à l'équipage et au cheval ?
En cas de casse en promenade, l’amateur aura-t-il pensé à emporter le matériel nécessaire à faire une réparation de fortune, adaptable à différentes situations et permettant au moins de tenir sur le chemin du retour ?
Il y a pourtant des formations .
Il existe des annuaires consultables gratuitement, notamment sur internet, qui proposent des adresses d’école d’attelage ou de formateurs pour vous enseigner la discipline, et des professionnels compétents pour dresser votre cheval.
L’attelage est une discipline à risques. Les conséquences de la moindre erreur peuvent être dramatiques. En prenant connaissance des dangers et de leurs causes, les apprentis meneurs apprendront à éviter certains accidents, qui dans la presque totalité des cas, arrivent par inconscience de l’importance ou de la réalité du danger.

Jean François Rigny, formateur pour l’Union Equestre d’Ile de France, commissaire et juge.

J’ai rencontré dans le monde de l’attelage, quatre catégories de personnes : les inconscients qui ne se rendent même pas compte du danger ; les irresponsables qui savent mais verront le moment venu ; les orgueilleux qui croient tout savoir et sont coincés dans des idées figées ; et enfin, les intelligents qui se remettent en cause et s’adaptent aux situations. Un bon meneur a pleinement conscience que toute la sécurité repose sur lui, mais il sait que tout le monde peut se tromper, et qu’il ne peut rien faire seul. Lors de mes stages, je fais des erreurs volontaires, pour que mes élèves aient une vraie réflexion sur la sécurité.
Sur les terrains de concours j’ai assisté à de véritables drames : un meneur débride sa jument pour changer le mors au milieu de la foule, un chien passe entre ses jambes, la jument s’emballe sans même un licol sur la tête. Une spectatrice a payé de sa vie cette erreur, et le vétérinaire a du euthanasier la pauvre jument sur place.
Depuis quelques années, notre association organise des « derbys pédagogiques d’attelage ». Les meneurs travaillent une première fois sur un parcours en bénéficiant des conseils de techniciens sur place. Puis l’épreuve commence. Chaque séance peut et devrait être l’occasion d’apprendre ou de se perfectionner.

Daniel Reneaume, Triple champion de France en TREC attelage à 4

En TREC, il y a une épreuve de sécurité, et c’est très bien. Cela évite de s’habituer à une routine et de faire des erreurs par négligence. On sait que l’on va être noté, on se sent concerné, on fait attention, et cela permet de se remettre en question sur les réglages du harnais.
Pour avoir fait de la compétition classique, je trouve le TREC plus complet : les épreuves sont plus longues ; dans chacune d’elles, les allures doivent être régulières ; les chevaux précis. Les coéquipiers ont également plus de travail avec la carte et la boussole. Et il y a des épreuves pour tous les niveaux de meneurs, du débutant jusqu’à un niveau très élevé.

Patrick Rébulard, meneur international à 4 chevaux et revendeur de matériel. (interview réalisé par mes soins)

Le pire qui soit, ce sont les personnes qui achètent un harnais et une voiture, mais qui n’ont pas encore de cheval. Il y a aussi les personnes qui achètent un attelage clef en main : cheval, harnais, voiture, mais qui ne savent pas mener et ils ne se posent même pas la question de savoir si c’est difficile.
D’autres choisissent en fonction d’un budget, ou de la beauté d’un cheval. Le risque, c’est que le cheval peut ne pas convenir à l’attelage, ou tout simplement au niveau de ses propriétaires. Ainsi, on voit des débutants acheter un jeune cheval de 3 ou 4 ans, le faire débourrer en quinze jours, et s’improviser meneur sans formation. Alors que c’est un cheval d’une quinzaine d’année, qui connait parfaitement l’attelage, qui sera exactement ce qu’il faut pour débuter, sans exclure la formation de meneur.
Comme l’attelage se popularise, il faut faire également attention au revendeur de matériel : il y a une différence entre les professionnels comme Bernard Pouvreau, meneur international à 4 chevaux, et les simples revendeurs de matériel sur catalogue, incapables de conseiller la clientèle (dimensions, poids, avantages et inconvénients… ). Vendre des harnais et des voitures n’est pas anodin. On constate alors que les chevaux ne correspondent pas aux voitures, et c’est grave, même pour le loisir !
Lorsque nous vendons du matériel, nous posons des questions et conseillons les acheteurs. Nous avons vraiment un rôle à jouer à ce niveau là : être conseiller, avant d’être vendeur. S’intéresser au projet du client pour pouvoir lui proposer ce dont il a besoin. Nous sommes heureux chaque fois que nous rencontrons un puriste qui prépare un attelage, progressivement, en faisant les choses correctement, et nous l’accompagnons vraiment dans sa démarche.
Mais il arrive que certains, souvent des cavaliers d’ailleurs, ne veuillent pas de nos conseils, dans ce cas, on n’insiste pas, on est simplement fournisseurs. On ne conseille qu’après, éventuellement. Ceux qui viennent d’un autre milieu du cheval ne prennent jamais vraiment au sérieux l’attelage et croient tout savoir. Et il y a beaucoup d’accidents.
Mais on ne peut pas les empêcher, si on refuse de vendre, ils iront ailleurs. Les gens consomment, ils ont besoin de rêve, il faut qu’ils essaient. Il y a un pourcentage de meneurs sans passion et sans persévérance, qui ne pratiquera que quelques temps, sans respect des règles de sécurité ce qui, en plus, va noircir l’image de la discipline, mais on doit faire avec. Ils ne veulent pas être éduqués, ils veulent juste consommer. Notre rôle se résume alors à proposer une voiture stable, qui freine bien, de bons harnais, et orienter, parfois vainement, les personnes vers des pros qui dispensent une formation rigoureuse et organisée. Lors de formation, je modifie souvent les objectifs des stagiaires en commençant par sécuriser l’ensemble de leur projet.
Enfin, et c’est nouveau, on voit des cas d’accidents dus à des problèmes de santé du meneur (crise cardiaque). Attention, c’est un véhicule qui roule ! Pour le conduire, il faut être en bonne santé, et on ne le répétera jamais assez, accompagné.
« Ne faites pas n’importe quoi et vous vous ferez encore plus plaisir. »

Bibliographie :