L'image bucolique d'un attelage...
ou croire et imaginer et finir dans le fossé
On ne le répètera jamais assez : l’attelage se pratique au moins à deux, c’est une activité qui peut présenter des dangers qui ne sont pas simples à gérer tout seul.
Au cours de mes voyages en Europe, aux Etats-Unis ou au Canada, j’ai rencontré beaucoup d’attelages de visites touristiques. Quels succès ils ont ! Cet engouement pourrait réjouir ceux qui cherchent à « démocratiser » la discipline, la rendre populaire, mais je reste réservée : l’image qu’ils renvoient au néophyte est erronée :
- Un cheval blasé aux bruits de la circulation
- Un itinéraire programmé et répété inlassablement
- Une voiture chargée – souvent par toute la famille
- Un meneur passif
©LGG - Au milieu des touristes, une file indienne d'attelage dont les cochers ne sont pas tous présents.
Revenons sur le cocher de ces attelages touristiques. Il ne prend généralement pas son fouet, mais claque les guides sur la croupe du cheval,
sans prendre la peine de le prévenir en l’appelant, ni même en lui donnant un ordre vocal. Les guides restent ensuite molles, le cheval connait
la route par cœur. Le cocher peut donc se retourner face à ses clients et faire sa visite commentée, accompagné du bruit si caractéristique et
enivrant des battues sur le bitume.
Le cheval, généralement de race lourde, part péniblement au pas, et il n’est pas rare que le cocher ait besoin de claquer à nouveau les guides
sur la croupe pour éviter un rapide arrêt ! Il m’est aussi arrivé de voir des Haflingers, aussi sages, et des chevaux de sangs qui semblaient ne
plus en avoir justement.
©LGG - Le cocher se retourne pour faire le guide touristique sans se soucier de la route.
De retour de vacances, des images plein la tête
Vous revenez de vacances, la ballade vous a plu, ça a l’air facile et naturellement ça vous tente ! Et naturellement vous aller reproduire les erreurs que vous avez vu, ignorant bien entendu qu’il s’agit d’erreurs :
- Atteler seul.
- Laisser le cheval garni, attelé et non attaché, seul et sans surveillance.
©LGG - Au milieu des touristes, un attelage sans cocher ni groom.
Je ne reviendrais pas sur le choix du harnais et de la voiture, vous trouverez déjà assez de conseils (moralisateurs ou pas) un peu partout
dans d’autres articles ici ou ailleurs.
Car le propos n’est pas de vous faire la morale, le propos est de vous aider à transformer l’image bucolique que vous vous êtes fait. On dit
que la peur n’évite pas le danger. On devrait aussi dire : l’absence de peur n’évite pas le danger. Le sujet, encore une fois, n’est pas de
vous faire peur, mais de vous informer, de vous faire prendre conscience des risques et des dangers afin d’apprendre à les anticiper ou à les
gérer au mieux.
A côté de l’attitude désinvolte des cochers de rues, je n’ai pas constaté d’autres erreurs techniques. Vous avez sans doute déjà entendu parler
de ces erreurs que tout le monde rabâche à propos du choix du matériel et de l’assemblage du harnais sur le cheval et à la voiture. Je peux vous
en rappeler quelques unes parmi les plus dangereuses que j’ai vu faire : traits se finissant par des chaines nouées au palonnier de telle sorte
qu’il fallait 10 minutes dans le calme pour tout décrocher ; sanglons du surcou attachés aux contre-sanglons du mantelet ; voiture attachée par
la sangle et absence de traits, copiée sur le système des courses attelées mais pas avec le même matériel ; Mors accroché par le bas (à l’envers)
au montant de la bride … etc.
Certes, sur les équipages touristiques, le matériel n’est pas en très bon état d’entretien, moyeux et ressorts rouillés, capote déchirée, peinture
écaillée, harnais sale… mais sans que cela n’influence, a priori, la sécurité matérielle. Il semble juste dommage que les cochers n’apportent pas
plus de soins à la présentation de leur équipage, sensé séduire le piéton pour qu’il ait envie d’y monter.
Revenons-en à vous. Il faut commencer par comprendre que la pratique de cette activité n’a rien à voir avec ce que vous avez vu. Mais pourquoi
me croiriez-vous ? Parce qu’un cheval n’est pas sensé être aussi amorphe qu’un « bœuf » (Pardon pour les bœufs). Bien sur, pour une activité
grand public en plein centre-ville, dans la circulation routière, il est plus sécurisant d’avoir un cheval apathique.
« Mais il n’y a pas que des chevaux apathiques dans les attelages touristiques que j’ai vu ! » Me direz-vous. Moi non plus, heureusement, cela
me démoraliserait ! Mais les meneurs (vous aurez compris mon changement de vocabulaire), aux guides de tels attelages s’accompagnent toujours
d’un ou plusieurs grooms en fonction du nombre de chevaux utilisés par voiture. Ce n’est généralement pas l’activité principale des chevaux que
de promener des volontaires, ceux-ci sont généralement utilisés pour l’instruction, le loisir sportif ou bien même, la compétition. Attention
chevaux ! Avec tout ce que cela comporte sur l’imprévisibilité potentielle.
© Les Chevaux de Congor - Un attelage avec meneur et groom !
© Les Chevaux de Congor - Le même attelage en préparation dressage pour la compétition
© Les Chevaux de Congor - Le même attelage en préparation marathon pour la compétition
En voilà un sujet ! L’imprévisibilité potentielle …
Si vous n’utilisez pas l’expérience des autres, que vous vous formiez dans une école d’attelage ou auprès d’un meneur aguerri, vous allez
devoir faire vos propres expériences. Sachez tout de même que celles-ci peuvent avoir des conséquences dramatiques et qu’il est plus sérieux
d’écouter les ainés.
Cavaliers attention… Il est fort possible que vous ayez des compétences pointues en pratique montée, mais atteler est vraiment différent de
monter. Il ne s’agit pas de troquer une selle anglaise contre une selle western ou monter à cru, d’utiliser un licol ou une cordelette à la
place d’un filet classique, ni même de se mettre debout sur un cheval pour faire toutes les pirouettes possibles à toutes les allures.
Il s’agit d’attacher une voiture à un cheval : une voiture encombrante, solidaire d’un cheval. On ne peut pas séparer la voiture du cheval comme
on le fait facilement avec un drapeau en le lâchant si le cheval en prend peur. On ne peut pas sauter en route comme le font certains cavaliers
quand ils se font embarquer ou ne maitrisent plus leur cheval, car la voiture resterait tout de même attachée au cheval. On ne peut pas faire
tourner le cheval sur lui-même pour demander un arrêt d’urgence comme à califourchon, la force centrifuge renverserait inévitablement la voiture
vous en dessous, trainé, coincé ou écrasé … sans arrêter le cheval pour autant. Un cheval non maitrisé tirant une voiture devient un véhicule
dangereux même s’il n’est pas à une vitesse excessive : dangereux pour vous mais aussi pour ceux qui croiseront sa route.
Pensez à prendre une assurance…
Si le cavalier a un avantage, c’est peut-être seulement sa connaissance du cheval. Il sait l’approcher, lui mettre un licol, effectuer le pansage,
n’en a pas peur (normalement), connait un minimum sa psychologie, et sait peut-être le manipuler avec justesse. Ses autres connaissances
et reflexes pourraient bien, par contre, le desservir comme on vient de le voir plus haut avec l’arrêt d’urgence. Il faut savoir rester humble
et se remettre dans la peau d’un débutant, même si ce n’est pas toujours très facile.
La petite maison dans la prairie
Oui mais, on voit aussi dans certains films, des attelages embarqués ! Ils sont très difficiles à arrêter et un cow-boy courageux doit faire le singe sur la voiture ou sauter sur les chevaux pour récupérer les guides !!! N’y croyez pas, c’est du cinéma… Tout comme :
- On ne gare pas sa « charrette » comme une voiture en laissant le cheval attelé seul et sans surveillance. Le feriez-vous avec un cheval sellé ? « Bien sur » vont me répondre les adeptes d’équitation western et de trec. Mais vous prenez un risque trop grand. Un cheval sellé s’attrape facilement ou se débrouille. Un cheval attelé ne se rattrape pas facilement et est un véhicule dangereux, rappelez-vous. Il ne se débrouille pas. Il a de grandes chances de coincer la voiture ou de la retourner, se blessant ou blessant d’autres personnes dans son trajet.
© Les Chevaux de Congor - Des chevaux sellés sont laissés seuls, mais ils sont attachés.
- On ne claque pas les guides sur la croupe du cheval en criant « Yaha !» même si c’est tentant. Un tel « ordre » risque surtout de surprendre votre cheval, et de créer un départ instantané, mais pas forcément dans une allure désirée ni une vitesse contrôlée. Si le démarrage ne vous a pas propulsé hors de la voiture, et si la secousse n’a pas jeté vos voyageurs, tant mieux ! Vous aurez tout de même un à-coup à amortir, et tandis que vous l’amortissiez, vos mains auront surement tiraillé la bouche du cheval auquel vous demandiez d’avancer.
- Les allures doivent impérativement être maitrisées. A cheval, vous pouvez très facilement tourner, prendre une descente, une côte, et ceci même avec un cheval à grande vitesse ou légèrement en train de vous faire dépasser par les évènements. En attelage, ce n’est guère possible. Il faut avoir en permanence à l’esprit la vitesse et l’équilibre de la voiture. Un cheval seul, ça se contrôle, là n’est pas le problème. Un cheval attelé, ça peut aussi se contrôler. Mais si pendant que vous essayez de contrôler le cheval, ce sur quoi vous êtes assis (la voiture) ne se contrôle plus, rebondit ou se retourne, il n’y a plus aucune chance de contrôler le cheval.
Le mode de pensée n’est donc pas : « Je gère mon cheval, je connais (pour les cavaliers) », mais « Je dois gérer ma voiture, là ça va trop vite pour tel virage ou tel pente avec tel angle, et je contrôle mon cheval afin que la vitesse de la voiture lui permette de rester en équilibre et non de basculer. » Si vous voulez faire une course, dételez et remettez une selle !
- Le meneur doit avoir une attitude responsable car il est très rare et peu réaliste qu’on puisse atteler sans passer par des voies goudronnées où l’on rencontre des automobilistes. A l’approche d’un stop, n’attendez pas le dernier moment pour ralentir, soyez sérieux et surtout prudent. Pour profiter de ces beaux moments de promenade attelée, il faut vivre.
- On n’arrête pas et on ne manœuvre pas un cheval attelé aussi facilement qu’un cheval monté, à cause, déjà, de l’encombrement de la voiture, mais également du fait que le cheval ne peut pivoter sur son avant-main. Quand vous êtes à cheval et que vous devez éviter quelqu’un d’urgence, vous avez plusieurs solutions, freiner, pousser les épaules, faire pivoter les hanches, pousser la masse entière de côté comme dans une épaule en dedans … Avec la voiture, le cheval d’attelage est bloqué dans les mouvements de son arrière-main. Sa maniabilité est moins aisée. Pour cette raison, la plus grande prudence est à observer lorsque vous croisez d’autres personnes, à pied, à vélo, en poussette, en train de jouer au ballon… même si la plupart du temps, les gens s’arrêteront pour vous regarder passer. Vous devez adopter une attitude prévenante bien loin du cocher touristique retourné vers ses clients en laissant son cheval faire sa route.
©LGG - Les attelages sont arrêtés en vrac au milieu des touristes, cherchez les cochers !!!
Pourquoi deux au moins ?
Pour qu’il y en ait toujours au moins un pour appeler les secours ? Sans aller jusqu’à cet extrême, il est très confortable et rassurant d’avoir un groom qui puisse aller à la tête des chevaux dans les passages difficiles où ils doivent rester calmes, tandis que le meneur reste derrière ses guides. De même s’il est nécessaire de dételer, une personne se met à la tête de chevaux pour contrôler leur calme et leur immobilité, tandis que la seconde personne dételle. Pour les plus sportifs, vous verrez l’importance du groom quand vous commettrez une erreur de conduite et qu’il pourra en se penchant d’un côté ou de l’autre, rattraper l’équilibre de la voiture. Mais ne jouez quand même pas trop souvent à ça sans prendre de bons conseils.
La rigueur
Quel mot rébarbatif ! Et pourtant, quelle importance… Pour découvrir la pratique de l’attelage, vous avez plusieurs options. Soit vous
trouvez une école pas trop loin de chez vous, soit vous vous formez sur le tas en groomant un meneur confirmé. Chaque option a des avantages
et des inconvénients : coût, convivialité, contrainte horaire, sérieux…
Sachez qu’un travail solitaire est toujours accompagné de petites erreurs. Par habitude, chacun d’entre nous peut faire l’impasse sur un ou
plusieurs points de sécurité : la routine, l’enchainement de sorties sans problème peuvent engendrer un excès de confiance, ou l’oubli récurrent
de certaines vérifications.
A priori, un enseignant devrait être plus rigoureux, habitué à ne passer sur aucun détail, répétant inlassablement ses leçons (c’est son travail)
et continuant à se former en parallèle tant du point de vue technique que pédagogique. Il devrait être capable de s’adapter plus facilement à
toute sorte de public, donc à chacun d’entre vous, quelles que soient vos motivations, vos envies, vos objectifs et avoir sous la main, une
cavalerie capable de répondre à chaque personnalité. J’émets tout de même une réserve, ayant eu l’occasion d’entendre de jeunes moniteurs se
moquer d’un élève-meneur d’un certain âge, qui, conscient des dangers de l’attelage et de son âge, désirait porter un casque pendant ses
heures de cours. La perfection n’est pas de ce monde.
Maintenant, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter bonne chance, en entendant d’ici les clics-clacs réguliers sur le macadam …
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